2013, Lofoten

Deux semaines fin janvier pour retourner là-haut, à deux, sur un coup de tête. C'est parti d'une blague, comme un défi... on parlait du premier voyage en Laponie, de la traversée trop rapide des îles Lofoten, ça a commencé par "faudra que j'y retourne un jour" et ça s'est fini avec "bah on y va ?" "ok, quand ?"...

On prend un aller-retour à étapes pour que ce soit moins cher, quitte à être plus long : Paris - Stockholm en avion, Stockholm - Narvik en train couchette pendant une vingtaine d'heures. Ça nous laisse une petite dizaine de jours sur place, on décide de ne rien programmer, de partir évidement avec la tente et les sacs de couchage, des raquettes aussi pour randonner dans la neige, et puis on verra là-bas où on a envie d'aller...


[Extraits de carnet de route]



20 janvier.
Comme prévu, on a tous les deux la poisse... et quand on voyage ensemble c'est à pleurer de rire.

Une seule nuit de camping et on s'aperçoit que nos deux matelas autogonflants sont percés. Au delà du confort, c'est surtout l'isolation thermique qui pose problème sur un sol enneigé... il va falloir les réparer avant ce soir. On essaie de faire du stop, on se fait ramener à Narvik par un gars qui affirme qu'on n'était pas sur la bonne route (après vérification, si, on y était bien...) ; il nous dépose au terminal de bus, on constate que celui qui va sur les îles Lofoten est parti il y a tout juste 10 minutes et que le prochain sera dans quelques heures... Bon. On apprend que sur les Lofoten il n'y a pas de neige, seulement de la glace ; il faut acheter des crampons si on veut randonner là-bas. Pour les matelas, on ne trouve rien de mieux qu'une flaque gelée pour les plonger dans l'eau et repérer les fuites. On monte de justesse dans le bus parce qu'on avait mal noté les horaires, et on finit de réparer les matelas sur la route en riant de tous ces coups du sort.

22h45, après 7h de trajet le bus nous dépose à Å, dernier village tout au bout des îles Lofoten. On marche à peine, on plante la tente, on sort le réchaud... et puis derrière les nuages apparaissent des lueurs vertes de plus en plus grandes : des aurores boréales ! Incroyable...

Aujourd'hui on a marché vers les montagnes, on voulait les traverser mais le verglas a compliqué les choses. Objectif abandonné, campement installé au pied d'une crête, on se dit pourquoi pas y grimper, sans les sacs ça devrait être plus facile, et puis il est encore tôt... Ça grimpe raide, bientôt ce n'est plus que de la glace sous nos pieds, ça dérape et je glisse quelques mètres plus bas, sur le dos, arrêtée par un rocher. Retour à la tente, un  anti-inflammatoire ; la nuit est magnifique, les étoiles remplissent le ciel.


21 janvier.
Une nuit en rorbu pour se remettre de tout ça. Å ne vit plus qu'avec le tourisme, c'est plein de rorbuer (un rorbu, des rorbuer...) qui n'ont plus rien des traditionnelles cabanes de pêche ; mais on y trouve une auberge de jeunesse à un prix plus que raisonnable pour la Norvège. On y est accueillis par un Slovaque, ancien avocat venu ici pour devenir pêcheur, qui nous propose de nous conduire à la prochaine ville pour trouver un magasin ; on saute sur l'occasion, on en profite pour acheter de quoi manger ce soir (un peu au hasard, un bocal de ce qui semble être du poisson mariné...). Une demi heure de marche et on est rentrés. Douche, lessive, apéro, repas... profiter.


22 janvier.
Prendre un bus, s'arrêter au milieu de nulle part, et aller marcher. C'est verglacé, enneigé, mais ça ne grimpe pas trop et c'est beau. Une petite tempête de neige au début me fait hésiter mais on continue, et heureusement ! On est plongé dans une ambiance particulière, impression d'être dans un autre monde. Ça doit se mériter, un peu, ce genre de vue... non ?
Arrivés en bas les anti-inflammatoires me donnent mal au ventre, j'ai froid, le vent se déchaine. On marche sur la route, on essaie vaguement le stop et on fini par attendre un bus sous un abri.


23 janvier.
Leknes - Rorvik en bus, puis une longue marche jusque Henningsvær ; la vue est magnifique, les couleurs incroyables sur les montagnes et dans la mer au loin. Les nuages progressent vite et bientôt on se retrouve dans une tempête de neige, on avance en tournant la tête contre le vent. Henningsvær, surnommé la Venise du Nord, c'est un village de pêche construit sur un ensemble de petites îles reliées par des ponts. On le trouve enneigé, calme et reposant ; certainement à l'opposé de ce qu'il doit être en plein été, envahi de touristes. On se fait offrir un café, on se promène au hasard, et puis on va planter la tente entre les tempêtes de neige.


24 janvier.
A Svolvær par -3°C on a fait du stop pour retourner un peu au sud, la nuit est tombée vite et on a marché quelques heures au bord de la route à la lumière de la pleine lune. Arrivés à Kalle, on enfile les guêtres et on s'enfonce dans la neige jusqu'à la plage.


Les soirées donnent toujours l'impression qu'on est complètement isolés, la neige et l'hiver baignent chaque campement dans un calme et un silence apaisant. Il fait froid, on tourne en rond pour faire circuler le sang dans les pieds, on tape des mains pour réchauffer les doigts ; mais je sais déjà que, comme après le premier voyage en Laponie, j'oublierais bien vite les morsures du froid pour ne me souvenir que de ce qui fait sourire.


25 janvier.
De retour à Svolvær, on décide de la suite presque au hasard. Il y a cette île, pas loin, où on était passés en ferry il y a deux ans, sans y descendre. Le bateau part dans 30 minutes... on range tout, les cartes, les stylos, vite, on traverse la ville, on ne trouve pas où embarquer, on cherche, on demande, on se fait conduire en voiture au pied du bateau, on se rend compte qu'à pieds on n'y serait jamais arrivés. On sourit. Une demi heure plus tard on est sur Skrova.

Marcher au hasard, suivre un sentier qui s'enfonce dans la neige et tomber sur une cabane en bois en forme de tipi. Il y a des traces de pas d'un jour, des outils à l'intérieur mais pas grand chose... on hésite à peine, on pose les sacs à l'intérieur avant de retourner au village pour faire des courses. La seule boutique de l'île est déjà fermée, tant pis ; on s'apprête à faire demi tour et puis on tombe sur un bar... il n'y a que deux clients, la patronne et une serveuse, on prend une bière et la discussion s'engage. On parle de la cabane qu'on a trouvée, c'est apparemment libre d'accès, elles ont un nouveau four qu'elles n'arrivent pas à brancher, on reviendra demain pour les aider, la patronne nous offre un shooter d'aquavit, on demande si on pourrait lui acheter des bougies et elle dit "yes of course, and if you need anything else just ask !", elle nous ramène un morceau de saumon congelé d'un bon kilo, et pour tout ça elle demande 50 NOK, à peine 6€... On fini par s'en aller, incapables de réaliser. On rentre à la maison, on fait un feu puisqu'il y a un endroit prévu pour, on cuit le saumon en papillotes, on se régale, et puis il neige.


26 janvier.
Retour au bar, branchement du four contre petit déjeuner gratuit. On décide de rester un peu plus longtemps que prévu sur cette île, ça semble être une évidence. En revenant à la cabane on croise trois Allemands en ballade qui nous demandent si on y vit... on répond en souriant qu'on aimerait bien ! Saumon et pommes de terre au feu de bois ce soir. On s'est trouvé un coin de paradis, il ne manque qu'un poêle à l'intérieur et on se voit déjà y vivre.

27 janvier.
Réveil à 8h, je n'ai pas envie de partir.
Mais allez, on range tout, on met les raquettes au pieds et on y va. Suivre un sentier, le perdre, s'enfoncer dans la neige, arriver sur une plage, admirer les montagnes blanches des Lofoten au loin, les nuages rougis par le soleil, l'eau turquoise à nos pieds... continuer, faire demi-tour en bas d'une falaise, retourner à la cabane, récupérer les sacs, les déposer un peu plus loin et suivre un sentier vers le sommet de l'île.
Et puis reprendre le ferry, quitter Skrova avec l'impression qu'on ne pourra pas faire mieux dans ce voyage.


28 janvier.
Chaque fois qu'on pense que c'est fini, qu'on a vécu le meilleur, on n'attend plus rien et on se retrouve ébahis à sourire encore plus.

Hier soir, un bus jusque Narvik. J'y ai vu du coin de l’œil la température descendre à -16°C, et à 21h quand on descend je n'ai aucune envie de planter la tente... mais pas d'avantage de payer une nuit d'auberge. Marcher au hasard, hésiter devant un parc, demander conseil à un gars qui promène son chien et il répond "you can't sleep on a tent, it's -10°C !", on dit "it's not that we want but..." et lui "I know a house where you can stay for the night"... C'est tellement incroyable ! Il doit d'abord ramener le chien, nous dit d'attendre à la station service à côté, s'en va, nous laisse abasourdis. Revient un peu plus tard, "please follow me !" ; et on y va, pas complètement rassurés mais curieux, on marche quelques minutes... jusqu'à une église. Ce monsieur est un prête, en fait, on s'en rend compte quand il enlève son écharpe en nous conduisant au sous-sol, dans ce qui a servi de bunker pendant la guerre et où on trouve maintenant un salon, une cuisine, une salle de bain... il ne cesse de demander s'il nous manque quelque chose, si on a de quoi manger, si on veut qu'il nous fasse le petit déjeuner demain matin ; rendez-vous pris pour 8h30 et on le regarde partir en le remerciant, sans pouvoir s'empêcher de sourire et rire tellement c'est improbable...
Ce matin, petit déjeuner chez lui, au rez-de-chaussée de son église ; il nous ressert sans arrêt, on discute pendant plus d'une heure et on termine le ventre plein, le sourire aux lèvres.



Le billet de train qu'on a réservé entre Narvik et Stockholm est pour demain. On se demande si on ne pourrait pas faire une partie du trajet aujourd'hui, passer la journée à Abisko... Un premier train arrive en gare, une contrôleuse nous dit que c'est impossible sans payer un nouveau ticket ; on cherche un plan B, il n'y a rien à faire à Narvik, on ne sait plus où aller, on tourne en rond dans la gare jusqu'au prochain train ; deuxième essai, ça fonctionne ! On monte sans payer aucun supplément, direction Abisko !

-12°C ici, le camping sera impossible, il faut absolument trouver un hébergement ; tout est complet à Abisko, on ira à Kiruna, toujours sur le trajet de notre train, où il reste deux lits de libres. L'esprit serein on part marcher dans la neige, entre les arbres, les raquettes au pieds et les bâtons dans les mains. Tout est blanc, gris, noir... tout est calme.
On rentre avec la nuit qui tombe, il y a quelques heures à attendre avant le départ du train pour Kiruna.


29 janvier
Toujours à Abisko. On n'aura pas vu Kiruna.
Hier soir, 30 minutes en avance à la gare, le train n'est jamais passé. On a attendu longtemps, trop longtemps, le doute grandissait au rythme du tic tac de l'horloge dans la salle d'attente, petit à petit on s'est fait à l'idée de passer la nuit ici ; il y a des bancs, du chauffage, on n'y est pas si mal... et puis Abisko est connu comme le meilleur endroit pour voir des aurores boréales... on dit qu'on va vraiment finir par croire au destin, et moi si on voit une aurore ce soir c'est sûr j'y crois... les yeux dans le vague à travers la fenêtre... et puis, là-bas, derrière la montagne, une lueur étrange qui ondule un peu... une aurore boréale ! Elle est petite, à peine le temps de faire quelques photos et elle est déjà partie. Mais quand même, c'est pas croyable...


31 janvier.
On a fini par prendre le train jusque Stockholm.
Une journée, une dernière courte nuit là-bas ; 3h50, réveil, bus jusqu'à l'aéroport, monter dans l'avion, et revenir en France sans en avoir aucune envie. Deux semaines, comment ça pourrait être suffisant ? Après avoir vécu tout ça en si peu de temps, comment on est sensés revenir au quotidien ?


[...]



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très jolie périple, ça m'a l'air ! Profitez bien de cette aventure tous les 2 !!
Voyagement vôtre. Sarah

Anonyme a dit…

Les photos sont à couper le souffle !

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